Absolution : 10 ans déjà. Les dessous d’un album qui envoie !

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Ce mois-ci c’est l’anniversaire d’Absolution ! Pour fêter ça, chez Muse France, nous vous proposons de (re)découvrir les coulisses de cet album exceptionnel, qui pour beaucoup d’entre vous, reste un des meilleurs de Muse.

Pour cela, nous vous proposons sur cette page, la possibilité de voir le making of d’Absolution, qui est disponible sur la version CD/DVD de l’album, ainsi que la traduction d’une interview de Rich Costey, producteur de l’album, datant du moment de la sortie de l’album !

Cette interview apporte des compléments d’informations sur le making of et ravira les fans qui s’intéressent aux détails techniques et au matériel utilisé. Merci à nos deux traductrices, Coppélia et Marion, pour le travail fourni sur cette traduction des plus longues en un temps record. :)

 

Entretien avec Rich Costey
au sujet de l’enregistrement d’Absolution

(Publié dans Sound On Sound en décembre 2003)

Avec leur album numéro un « Absolution », le trio britannique Muse s’est affirmé comme un des groupes rock les plus ambitieux et innovants du monde – et avec Rich Costey, ils ont trouvé un ingénieur et producteur qui comprend ce qu’ils visent et les encourage à expérimenter.

Par Richard Buskin

« Je crois que tout devrait être possible à n’importe quel moment », dit Rich Costey. « Les albums que je préfère sont ceux où les gens ont pris autant de risques que possible en se servant de l’équipement. Le processus en lui-même peut générer à la fois des succès et des défaites, mais on ne peut pas le prévoir à moins d’être libre d’explorer, et c’est une chose avec laquelle un groupe comme Muse est très à l’aise. Ces mecs jouent ensemble depuis très longtemps, du coup, ils sont complètement libérés de toute peur et vont essayer tout. C’est une des raisons pour lesquelles nos relations professionnelles ont été si bonnes. »

Guitariste de lycée qui a fini par produire des groupes indépendants à Boston et New York, Costey a travaillé trois ans en tant qu’ingénieur « résidant » aux Studios Looking Glass à Manhattan au milieu des années 90. Il a assisté le compositeur classique moderne Philip Glass, et c’est là qu’il s’est spécialisé dans une approche expérimentale du processus d’enregistrement, approche qui est caractéristique de la plupart de son travail ultérieur, en ce compris le nouvel album susmentionné de Muse, le très applaudi « Absolution ».

« Le temps que j’ai passé à Looking Glass fut très excitant pour moi », se souvient-il. « J’étais un fervent admirateur de Philip, et pour moi, il n’a jamais été trivial de pouvoir travail sur ses albums jour après jours. Quand vous mixez pour lui, il ne lâche pas la partition durant tout le processus, pour s’assurer qu’on peut entendre toutes les sections et qu’elles suivent les nuances, puisqu’il compose de façon traditionnelle, simplement sur papier. Un jour, j’étais en train de mixer quelque chose pour lui, et il m’a décrit ses méthodes de composition – il utilise ses motifs musicaux d’une façon presque modulaire, il colle et réutilise différentes partie d’un même matériel au sein du même morceau – et il m’a dit « Tenter de reproduire exactement un succès est destiné à ressembler à un échec, tandis que si vous allez de l’avant, il est bien plus probable de produire un succès. »

« Ca se traduit selon moi en terme d’enregistrement par le fait que je tends à rejeter la notion qu’il existe une sorte de domaine clos concernant la manière dont la musique rock est supposée sonner. Aujourd’hui, c’est un certain son de guitare auquel les gens pensent, et c’est dommage. Auparavant, les artistes étaient à l’aise avec le fait d’aller de l’avant et essayer diverses choses, et il y a évidemment toujours des artistes qui le font, mais pas tellement. C’est ça que je veux faire, bien que ca implique habituellement de fournir un peu plus d’efforts et prendre des risques de temps en temps.

Trouver la Muse

Après avoir déménagé à Los Angeles à la fin des années 90, Costey s’est associé avec Jon Brion pour produire et mixer le second album de Fiona Apple, « When The Pawn Hits The Conflicts »… Ceci leur a apporté des missions du producteur Rick Rubin, parmi lesquelles le mix de l’album « Renegades » de Rage Against The Machine sorti en 2000. Depuis, Costey a entrepris de nombreux projets de mix, mais également la production et l’ingénierie pour Dave Navarro et plus récemment, le trio londonien Muse, composé de Matthew Bellamy (guitare/chant), Christopher Wolstenholme (basse) et Dominic Howard (batterie).

Originaire de Teignmouth dans le Devon, ils ont commencé à jouer ensemble tous les trois à l’age de treize an, d’abord en tant que « Gothic Plague », puis « Fixed Penalty » et « Baby Rocket Dolls », avant d’adopter leur nom actuel en 1997, lorsqu’ils ont sorti leur premier EP éponyme chez Dangerous Records. Un deuxième EP, « Muscle Museum », sorti en 1998, leur a apporté les faveurs de la critique, un succès live grandissant et un contrat chez Maverick aux USA. Les albums Showbiz (1999) et Origin of Symmetry (2001), le groupe a éveillé beaucoup d’intérêt grâce à des chansons mêlant un chant mélodique parfois non conventionnel avec des touches de grunge, de rock punk, psychédélique et arena rock. Tous ces éléments se retrouvent sur le nouvel album de Muse « Absolution ».

« Je suis devenu un de leurs fans, particulièrement après avoir écouté leur dernier album », explique Rich Costey. « Cela leur a été rapporté par des connaissances communes et nous avons décidé de travailler ensemble. Ils travaillaient avec les mêmes personnes depuis un certain temps, et je pense qu’ils souhaitaient mélanger un peu les cartes. Au moment où je suis entré en scène, ils avaient déjà enregistré plusieurs chansons pour le nouvel album avec John Cornfield et Paul Reed, notamment « Butterflies And Hurricanes » et « Blackout ». Elles sonnaient très bien mais ils voulaient essayer quelques autres idées et voir ce qui pouvait se trouver ailleurs. »

Costey a fini par mixer « Blackout », qui utilisait la mandoline et de vraies cordes enregistrées au studio AIR Lyndhurst au nord-ouest de Londres, et recouper les voix, la basse et le piano sur « Butterflies And Hurricanes ».

« Au départ, nous sommes allés chez AIR juste pour voir comment nous pourrions travailler ensemble », se souvient-il. « J’ai fait ce que je fais d’habitude, ils se sont assis derrière moi pour m’observer. Rétrospectivement, c’est plutôt drôle, parce que maintenant que je les connais si bien, je me rends compte qu’ils étaient un peu timides. Il y avait aussi quelque chose comme un clivage continental entre l’utilisation américaine des superlatifs et celle plus réservée qu’en font les Anglais, mais je ne le savais pas à cette époque. Par exemple, peu après que nous soyons allés chez AIR, mon ingénieur Wally Gagel et moi avions ce que nous pensions être un super son que le groupe pourrait enregistrer en live, et quand j’ai lancé la bande et qu’ils sont venus dans la cabine de contrôle pour l’écouter, je pensais qu’ils seraient euphoriques. Cependant, leur réaction a plutôt été du genre « Euh… ouais, c’est bien. Ok, on s’y remet… » et je me suis senti déconfit. En fait, il s’est avéré qu’ils avaient aimé, mais ils étaient simplement un peu réservés. Par la suite, ils se sont lâchés – et je suis sûr que moi aussi – lorsque nous avons appris à nous connaître mieux.

Tracteurs et sports aquatiques

Préférant une installation résidentielle rurale pour terminer les sessions d’enregistrements pour Absolution, les membres du groupe ont trouvé Grouse Lodge en Irlande via Internet, et ce fut un excellent choix. « Nous sommes simplement arrivés là et tenté notre chance, et ce lieu était fantastique », note Costey. « On a vraiment eu de bons moments là-bas. C’est le seul endroit où je sois allé où il y a des fenêtres tout autour de la cabine de contrôle et du studio. Et c’était assez drôle, parce qu’à un moment, Dominic était dans le studio tandis que nous étions dans la cabine, et alors qu’il était en train de jouer une section intense de batterie, un gars sur un tracteur est passé derrière lui. On ne voit pas ça souvent en studio ! Heureusement, l’isolation était bonne, le tracteur ne s’est pas retrouvé sur l’album.

« Grouse Lodge a une table de mixage Neve VR, et bien qu’il s’agisse d’une table de taille correcte, nous avons quand même apporté 14 [Neve] 1073 et plusieurs [UREI] 1176, de même que quelques équaliseurs Pultec. Le studio a contacté pas mal de boîtes de location pour trouver des micros additionnels, mais c’est tout ce que nous avons pu avoir, parce que Iron Maiden enregistrait quelque part et ils utilisaient tous les autres 1073 du Royaume-Uni. « Bien sûr, l’un des avantages d’un studio résidentiel, c’est que vous pouvez vraiment investir l’endroit, du coup nous avions la possibilité de placer des micros dans la résidence, tandis que pour la chanson « Ruled by Secrecy » j’ai eu envie que les percussions soient intimes et très proches, mais avec cependant une ambiance distante unique. A un moment, alors que nous étions en train de répéter dans le Studio B plus petit, le groupe revoyait le morceau avec les portes ouvertes et j’entendais l’écho dans la cour. Ça sonnait de façon fantastique, alors un après-midi où nous étions en train d’enregistrer, j’ai décidé de placer les percussions dehors. On a apporté toute une série de préamplis micro pour s’assurer que la ligne micro serait aussi courte que possible, et on a passé plusieurs heures à installer tout ça. La batterie était dans un coin, avec un mur en briques d’un côté et en pierre maçonnée de l’autre, à côté d’un tracteur. C’était ouvert derrière, et c’était bien que Dominic soit assez proche du mur parce que ça lui permettait de sortir plus de basses de sa batterie. Nous avons installés quelques micros à distance, reliés à la table de mixage, puis je me suis assis dans la cabine et il a commencé à jouer… et ça sonnait horriblement. Je crois que nous avons fait une prise, mais nous ne l’avons pas utilisée du tout. Nous avions un peu d’ambiance issue de la cour, mais le son global était insupportablement faible et n’avait pas la présence que j’attendais.

« Néanmoins, il y a une idée que nous avons essayée, qui s’est avérée très bonne et s’est retrouvée sur les chansons « Apocalypse Please » et « TIRO ». L’intro d’ « Apocalypse Please » a une section de tom, et je voulais vraiment que cette partie sonne de façon ridicule et aussi épique que possible. Et donc voilà, il y avait une piscine au studio, bien évidemment remplie d’eau, et nous y avons amené deux grosses caisses posées sur des pieds et nous avons équipé au plus près l’une des deux d’un haut-parleur NS10 démantelé en guise de micro pour obtenir un son faible et sourd. Nous avons aussi placé quelques micros d’ambiance aux alentours de la piscine. Nous avons également dû placer des préamplis autour de la piscine pour les même raisons, et Wally et moi avons installé tout ça de façon que Dominic devait en fait se tenir debout dans la piscine pendant qu’il jouait, parce que ça avait vraiment l’air sympa. »

Alors, entend-on des clapotis ? « Pas durant cette section, bien que nous avons ajouté par la suite quelques sons de bains à remous. Nous avons fait quelques prises de l’eau bouillonnante, mais à nouveau nous ne les avons pas utilisées.
En fait, on a fait plein de trucs. J’avais vu il y a quelques années une performance classique moderne où il y avait une rangée entière de gens à l’arrière qui frappaient sur des gongs et les plongeaient dans de l’eau. Le gong immergé n’est pas un instrument inhabituel dans le classique du 20eme siècle, mais puisque nous étions assez pauvres en gongs, nous avons tenté d’enregistrer quelques échantillons en faisant la même chose avec des cymbales, en les frappant encore et encore pendant qu’on les plongeait dans l’eau. Bien sûr, le son des cymbales n’a aucunement la même tenue et le même poids que le son d’un véritable gong, et quoique qu’ils aient produit comme bruit, ça se dissipait aussitôt qu’ils étaient dans l’eau, donc il n’y avait aucun intérêt. Mais c’était drôle.

« Une chose qui a été utile en fin de compte a été d’enregistrer quelques prises de Chris plongeant dans la piscine – On a utilisé ça au début du pont de « Toughts Of A Dying Atheist ». Si vous écoutez vraiment très attentivement, juste là où le pont commence, vous pouvez l’entendre sauter dans l’eau. Nous avons utilisé des micros assez sympa pour choper ça, donc on s’est quand même assurés de les mettre hors de portée de l’eau, et nous avons fait ça assez rapidement parce que je m’inquiétais de l’humidité qui pouvait affecter les micros.

Aller plus haut

« Je ne voulais pas faire quoi que ce soit qui ressemble à leurs albums précédents. J’avais vraiment adoré « Origin Of Symmetry », mais une des raisons pour lesquelles je pensais que je serais un bon producteur pour Muse est que je croyais que je pouvais entendre ce qu’ils essayaient d’atteindre, et je sentais qu’il y avait des moments où ils n’y arrivaient pas. Par exemple, ça me frappait qu’à la base, ils voulaient ressembler à un groupe rock grandiose, dynamique, épique et puissant, mais il y avait beaucoup de moments sur les deux précédents albums où ce n’était pas vraiment le cas. Alors la première chose que je voulais faire était de m’assurer que leur musique sonne de façon vachement forte et agressive quand elle était supposée l’être, et ce, depuis les méthodes d’enregistrement aussi bien que dans leur performance.

« De leur coté, les gars avaient entendu certains de mes mix pour Rage Against The Machine et Audioslave, et ils avaient vraiment envie d’obtenir un son aussi fort et affirmé. Ils jouent extrêmement bien ensemble et sonnent déjà puissamment tous seuls, mais comme d’habitude nous avions besoin d’essayer différents kits batterie pour obtenir le bon son. Dominic est très doué pour accorder sa batterie et Chris a sa propre tonalité grave – il a trois amplis ayant chacun différents degrés de distorsion. J’avais aussi apporté une tête d’ampli de guitare Diesel, que j’aime vraiment beaucoup, et Matthew l’a utilisée, ainsi que son propre ampli Marshall customisé. Globalement, je les ai organisés d’une façon différente de celle à laquelle ils étaient habitués.

« En fait, j’ai passé pas mal de temps à tenter d’organiser le son de la batterie, parce que Dominic est un batteur plutôt agressif et il a tendance à frapper ses cymbales assez fort. Un peu de réflexion a été nécessaire pour faire en sorte que les tambours individuels aient un son bien défini sans être délavés par les cymbales, et pour y arriver j’ai fait quelque chose que je ne recommanderais pas à tous ceux qui agissent imprudemment : utiliser bien trop de micros. Pour les micros overheads vous pouvez utiliser une paire stéréo, peut-être associés à un micro mono, mais nous avons fini par utiliser ça en tant que kit global et disposer un micro au plus près de chaque cymbale. Normalement, je me sers de micros [AKG] C12, et pour les micros proches, j’utilise des [Neumann] KM84 chaque fois que je peux en trouver, et je les mélange légèrement afin d’obtenir beaucoup d’attaque – de cette façon, les micros overheads eux-même peuvent être assez bas, et vous pouvez mixer l’attaque des cymbales sans que le son global soit trop exalté.

Le monstrueux banc d’amplis de Chris était composé de trois têtes d’ampli Marshall et trois enceintes Marshall différentes, et la quantité d’espace dont nous disposons dans un studio donné déterminait essentiellement la taille des enceintes que nous installions. L’une d’entre elles produit un son de basse plus propre, tandis que le second ampli passe en grande partie par une pédale de distorsion Big Muff de Electro-Harmonix, ainsi que par quelques autres pédales qu’il utilise occasionnellement. Et enfin son troisième ampli, qui est le plus déformé, utilise une obscure pédale de distorsion japonaise, qui est plutôt bizarre, chère et apparemment difficile à trouver. Cet ampli produit une tonalité vraiment nasale qui n’a pas nécessairement de sens en soi, mais quand vous la mixez dans contexte du reste des graves, il devient essentiel pour obtenir ce que Chris veut. Il possède plusieurs basses, parmi lesquelles une Pedulla qui a déjà bien vécu et qu’il aime particulièrement.

J’aime utiliser des micros à condensateurs à chaque fois que c’est possible sur les enceintes de la basse. Ils ont tendance à donner un son beaucoup plus ouvert, les transitoires ressortent plus fortes, et le résultat final sonne beaucoup plus comme si vous vous teniez en face de l’ampli. Il y a certainement une place pour les nuances et j’en suis fan aussi, mais pour moi, ils colorent beaucoup plus le son qu’un bon condensateur. Ceci étant dit, j’ai en fait eu pas mal de temps pour l’enregistrement de la basse avec ce micro produit par Blue et qui s’appelle le « Mouse ». Wally Gagel et moi l’avions utilisé l’an passé sur l’album Antenna de Cave In et il s’est avéré excellent, donc je l’ai utilisé sur le banc d’amplis de Chris, mais aussi sur la caisse claire en combinaison avec un SM57 à chaque fois que c’était possible. J’utilise parfois un Neumann FET47 pour enregistrer la basse, mais l’ensemble de Chris donnait un son si puissant que je ne pensais pas qu’on pourrait s’en sortir avec – de nos jours, je pense que les musiciens jouent beaucoup plus fort que lorsque les FET47 sont sortis, et un des avantages d’un micro plus récent comme le Blue est qu’il peut supporter une quantité extraordinaire de niveau.

« A part ça, nous avons utilisé une configuration assez standard pour la basse : [Sennheiser] 421 et [Electro-voice] RE20. Nous avons essayé tout un tas de trucs en travaillant dans différents studios, et nous avons utilisé différentes chose à chaque fois. Le groupe entier était installé chez AIR pendant la période précédant Noël, puis quelques mois plus tard nous nous sommes installés dans cet endroit en Irlande appelé Grouse Lodge, où nous avons enregistré la majorité en à peu près quatre semaines. Nous ne disposions pas d’exactement les mêmes micros là-bas, mais nous avons essayé de reproduire aussi fidèlement que possible la configuration du studio AIR de façon que les morceaux de base ne semblent pas totalement étrangers les uns aux autres.

Apprendre à savoir se retenir

Le chanteur de Muse, Matthew Bellamy, arrive à chanter quelques notes remarquablement aiguës dans ce nouvel album, notamment sur les chansons « Apocalypse Please », « Time Is Running Out », « Hysteria », « Blackout » et « Butterflies And Hurricanes ». « Il a une voix incroyable et une tessiture surprenante » confirme Rich Costey. « Il a une confiance entière en ce qu’il fait. Il rentre juste dans le studio d’enregistrement et en trois prises, il obtient tout ce qu’il veut. Parfois, avec le chant, tout comme avec le reste du des instruments, nous souhaitions essayer des choses différentes, prendre des directions différentes même si nous savions que nous avions quelque chose de bien et que cela pourrait même parfois améliorer le résultat final mais la plupart du temps nous ne le faisons pas car la première impression de Matthew était la bonne. » « Pour les micros, nous en avons plusieurs selon la chanson. Je crois également en cela. Par exemple, il chante « TSP » (The Small Print) avec un Shure SM7 que j’avais – un des avantages de beaucoup de chanteurs qui font beaucoup de shows est qu’ils peuvent avoir un SM7, se balader dans la salle et faire ce qu’ils veulent avec sans générer des bruits de manipulation du micro. Pour moi, ce micro est un peu meilleur qu’un typique SM58 que beaucoup de personnes utilisent en studio. Le chanteur peut l’appuyer sur son visage sans aucun souci. Nous l’avons utilisé pour quelques chansons alors que nous utilisions principalement un C12 pour Matt sur la plupart des chansons où la voix est plus posée. Par exemple, dans le cas d’Endlessly, nous avons essayé plusieurs micros – nous avons essayé un RCA 44 mais le son était juste un peu trop profond donc nous avons enregistré avec un RCA 77. « Matthew a d’énormes capacités vocales et il est encore en train d’apprendre où sont les limites de ses capacités. Je pense qu’il est devenu plus à l’aise avec sa capacité à chanter de façon plus réservée pendant ce projet. Sur les couplets de « Sing For Absolution », sa voix de ténor est très calme et juste magnifique alors que normalement il va dans ses retranchements. A chaque fois que vous travaillez avec un grand chanteur, c’est assez excitant. Le style déterminé de Matthew est ce que je voulais faire avec sa voix dans une certaine mesure. Par exemple, quand il chante fort, une partie de la sonorité revient à saturer le préampli micro – je fixe intentionnellement le préampli micro sur « Time Is Running Out » comme il chante de plus en plus fort et en ajoutant plus d’intensité et de grincement dans sa voix. Déformer la voix est tellement banal de nos jours que pour moi c’est une honte de déformer une guitare ou une basse. Et la plupart du temps, quand je mixe les pistes d’autres personnes, je déforme la voix… qu’ils le sachent ou non ! »

Des choses qui ont du caractère

Dans les mois entre les sessions au studio AIR et le studio Grouse Lodge, Matthew Bellamy a fait plus qu’écrire les chansons et Rich Costey s’est bien occupé du doublage de certaines chanson du premier lot de AIR : « Sing For Absolution », « Stockholm Syndrome », « Hysteria », « TSP » et « Fury » (qui finira par être une piste bonus dans la version japonaise). Elles ont ensuite été complétées au studio Livingstone du nord de Londres pendant la période de 10 jours entre les vacances de Noël et Nouvel An.
« Nous avons utilisé la console Neve vintage personnalisable à AIR et quand cela était possible, je contrôlais seulement grâce à l’ATC SCM20s qu’ils avaient aussi » dit Costey. « Chaque studio était réservé à la dernière minute et quand nous allions de studio en studio, c’était vraiment un coup de chance de ce que nous avions pour écouter. D’un autre côté, la console du Livingstone était une SSL G-series, et cela générait de grosses différences lorsque nous passions à celle-là après avoir utilisé la console Neve. Nous avons loué plusieurs Neve 1073 pour les utiliser comme des préamplis micros frontaux. Les micros UA sont de classe AB alors que les 1073 sont de classe A. J’ai essentiellement enregistré avec les Neve mais, dans le cas où nous ne pouvions pas trouver rapidement un studio anglais avec une console Neve et que je n’étais pas complètement capable de reproduire le son voulu, je ne m’en occupais pas. J’ai trouvé ça ennuyeux quand les enregistrements du son étaient identiques sur toutes les chansons. Cela m’intéresse beaucoup plus quand les pistes ont du caractères, et tant que le son rendait bien, c’est tout ce qui m’importait ».

Les guitares Manson personnalisées pour Matthew Bellamy ont principalement enregistrées les pistes avec des amplis Diesel et Marshall fonctionnant avec divers caissons. « Le groupe jouait en live ensemble, se plaçant en demi-cercle et Matthew chantait également ce qu’ils ne faisaient pas habituellement quand ils retournaient aux bases » explique Costey. « Pourtant, une fois que nous avions créé ces bases, tout se passait comme il le fallait. Je ne crois plus vraiment aux règles dures et rapides après cela, et je ne veux pas nécessairement faire une configuration unique pour un disque entier. Ainsi, une fois que nous avions les bases, nous voulions pousser chaque overdub pour le rendre aussi intéressant que possible. »
« La façon dont le groupe et moi avons choisi de travailler – et j’aime cette façon de travailler de toute façon – était de se concentrer sur une chanson pendant un certain temps. Je me souviens que nous avons un peu travaillé sur « Stockholm Syndrome » et « Sing For Absolution » au studio AIR. Nous nous mettions sur une chanson, voyions ce qu’il y avait comme travail et l’explorions pendant des heures, des jours ou plus et quand nous n’arrivions plus à progresser sur la chanson, nous passions à la suivante. Ce même processus s’est poursuivi au studio Livingstone.

« Sur ‘Sing For Absolution’, j’avais une idée assez claire de ce que je souhaitais entendre dans les chœurs : des gros sons de guitares à large consonance avec peu d’écho – c’est rarement le cas quand les sons deviennent de plus en plus graves sans passer par un [Maestro] Echoplex. Je suis fan des Echoplex bien que récemment les miens ont malheureusement mal tourné pour moi. Je souhaitais tout de même les gros sons de guitares à large consonance avec la voix de Matthew qui arrive furtivement au dessus sans être mise trop en avant et en gardant des chœurs simples alors que les couplets avaient besoin de retentir puissamment et en 3D. Nous avons travaillé la base de cette chanson au studio AIR et quand nous sommes arrivés à Livingstone nous avons passé du temps pour le traitement du son avec différents pianos.
« Le son principal du piano sur cette chanson a été profondément traité. J’ai mis différents types d’objets en métal tels que des clous et des cordes de guitare sur les cordes même du piano afin qu’elles claquent et j’ai mixé le tout avec une paire de C12. Je reçois le son du piano sur la console et je peux alors diviser le signal sonore de sorte que la moitié du son est enregistré sur la bande son et l’autre est envoyé sur la pédale Whammy [Digitech]. En fait, la pédale Whammy permet de séparer le son et la moitié de celui-ci va – sans surprise – sur un Echoplex et la moitié sur une pédale Doppelganger [Lovetone].
Cela produit un son modifié, avec une attaque sèche au centre et sur le devant avec la pédale Doppelganger avec un écho d’un côté et l’écho de la pédale Whammy de l’autre. Ensuite, nous l’avons doublé de sorte que ce n’était plus seulement un son modifié mais deux représentations du son ce qui produisait beaucoup plus de sens sur le résultat final.

“ Une fois que nous avions fini, la chanson avait un son bien plus mélancolique et grâce au piano il y avait également ce son de bruit cassé qui, je pense, allait bien avec les paroles. Après cela, nous avons enregistré des passages avec différents synthés utilisant divers effets et en faisant un balayage du volume du son pendant que Matthew jouait la chanson. Nous voulions juste un balayage autour et sur la voix.
Bien que les chansons étaient toutes enregistrées avec chacun des membres du groupe jouant avec le minimum de notes de passage, Costey a pris soin de ne pas trop modifier les sons. Il a précisément utilisé Pro Tools de la même façon qu’un enregistreur, non pas pour l’esprit rétro de l’enregistreur mais simplement dans le but d’améliorer la musique au moyen d’une touche plus humaine et qu’il [Costey] avait déjà utilisé autant que possible sur une seule prise avant de corriger certaines parties seulement quand cela était absolument nécessaire. La même méthode a été utilisée pour les overdubs – il a utilisé autant que possible les prises complètes, et jamais un passage n’a été pris d’un passage d’une autre chanson.
“J’ai fait cette erreur il y a des années” admet Cotey, “et ce qui est arrivé est que l’enregistrement avait une légère couche presque comme celles de tomates génétiquement modifiées qui paraissent parfaites mais qui n’ont absolument aucune saveur ».

Trois personnes essayant de retentir comme 10

Cette approche a payé. Absolution est un ensemble de morceaux à consonance très live qui transmet l’effet d’un groupe jouant un spectacle en entier. Là encore, en termes d’image sonore, la réverbération et le pouvoir des accords avec la manière dont les instruments s’imbriquent les uns avec les autres crée le sentiment que les musiciens étaient rapprochés dans un espace relativement confiné.
« Je pense que c’est en partie la conception du groupe » explique Costey. « Parce qu’ils font parti d’un tout, la tonalité de la basse de Chris est conçue à partir de zéro pour aller des sons les plus graves de la basses jusqu’aux sons les plus bas de la guitare. Et Matthew, par extension, puisqu’il passe souvent au piano, ne se sent pas forcé de devoir porter le fardeau de sa guitare. Ce que vous avez, c’est trois personnes essayant de retentir comme 10 et ils le font assez bien de sorte que leurs instruments ont tendance à se chevaucher, et la façon dont chacun joue a tendance à chevaucher les instruments des autres membres plus qu’aucun autre groupe. Souvent on entend les bassistes qui essaient de doubler la guitare principale et fonctionnent donc comme un support de la guitare mère, mais ce n’est pas le cas avec Muse.

“ Dans le même temps, une autre raison du son confiné peut être dû au fait que je n’utilise pas beaucoup la réverbération sur la batterie quand je mixte. J’utilise plutôt l’ambiance que je trouve à travers les micros de la pièce. Après tout, quand nous étions à Grouse Lodge en Irlande, nous avions occasionnellement augmenté le son de la batterie et c’est particulièrement le cas sur « Falling Away With You ».
Nous avons mis des micros Earthworks d’un bout à l’autre du studio, dans les couloirs vers les résidences et la piste avait alors cette ridicule emphase caverneuse. Ce n’était pas vraiment utile quand la batterie jouait, mais c’était une partie assez simple alors ça rendait très bien et il y a des parties où j’ai réunifiais les deux sons.
Un aspect notable de “Falling Away With You”, qui commence comme une balade avant de continuer sur du rock, est le son des doigts de Matthew Bellamy glissant sur les cordes de sa guitare. « C’est simplement le bruit d’un humain jouant de la guitare » dit Costey. « Matthew jouait avec sa guitare Manson noire tranquillement via un ampli surdimensionné et tout ce que nous avions rajouté est un peu de réverbération donc c’était assez propre. Cependant, si vous compressez légèrement le son, vous pourrez entendre les bruits de doigts. Beaucoup de personnes trouvent qu’ils déconcentrent l’écoute, mais pour moi, c’est juste le son d’une personne jouant d’un instrument. J’ai travaillé avec des personnes qui jouaient de manière à ce qu’on n’entendait pas du tout les bruits de doigts, et dans ce cas-là, je m’en remettais au musicien, mais avec Matthew, on peut entendre le bruit de ses doigts sur les cordes et cela crée une sorte d’intimité qui convient parfaitement à la partie calme de « Falling Away With You ».
Sur certaines chansons, Matthew Bellamy ne voulait pas enregistrer sa voix jusqu’à ce qu’il sache où la musique allait le mener, alors que sur d’autres, il enregistrait sa partie et, ce faisant, cela mettait en évidence que certaines parties plus musicales devaient être plus développées sous la voix. Un exemple de cela est sur la chanson « Endlessly », avec les cymbales et les congas Wurlitzer à consonance calme pendant la courte pause musicale.
« Cette chanson était vraiment en cours de réalisation jusqu’à la dernière minute quasiment, et nous avons pris différent types d’approche vocale » rappelle Costey. « Bien sûr, elle est trop lente pour être une chanson dansante mais c’était une sorte de mixte entre une chanson pied au plancher et une boite à rythme 909 tout au long de la chanson. C’est en grande partie grâce à Matthew qui avait fait quelques démos et une d’entre elles le mettaient en valeur jouant à la fois du piano et de la boite à rythme jouant le thème principal.
Il y avait une telle honnêteté et franchise que même si nous avions essayé une approche de la chanson avec le groupe en entier, rien n’aurait semblait fonctionner aussi bien que ce qu’il avait enregistré sur la démo, qui était une une véritable introduction pure avec une voix vraiment sincère. Nous avons alors pris cette approche et construit le reste de la chanson autour d’elle, et Dominic a joué différents types de rythmes de batterie sur ce tempo et nous avons finalement coupé les sons qui avait une connotation jazzy en les remplaçant par le thème.

Plus de Chet Baker et moins d’Arthur Baker.

Après que le travail soit achevé à Grouse Lodge, le projet déménagea à nouveau, cette fois au Cello Studios à Los Angeles, où les 3 semaines ont été utilisées pour ré-enregistré avant que le mixage ne commence. C’est à ce moment, pendant le ré-enregistrement, qu’ »Endlessly » s’est finalisée pour être ce qu’elle est.

« Malgré que nous soyons content de ce que donnait la partie ‘batterie’ de la chanson, nous n’étions pas entièrement satisfait de la plupart du reste, explique Costey. Nous étions au Studio 3, où les Beach Boys ont un jour enregistré Pet Sounds (lorque que le bâtiment était encore connu sous le nom de United Western Recorders), donc nous avons essayé d’invoquer l’esprit de Brian Wilson en utilisant un vieux tube mono synthétiseur S6. Je voulais surtout que Matthew l’utilise pour jouer quelques arpèges, mais pour finir ils ne sonnaient pas très bien, et donc il a tendu la main vers les boutons déclenchant les accords sur le côté gauche du synthé, où l’on peut presser un bouton et ça jouera un accord. Juste en dessous il y a un bouton que l’on peut presser pour régler le volume de la note, et pendant que l’on diminuait le son de la piste Matthew commença à jouer les accords en même temps que la chanson et à utiliser le bouton pour créer un rythme. Cela finit comme étant la chose autour de laquelle la chanson tourne : le clavier qui sonne doux, morose et chaleureux à la fois pendant le refrain.

« A ce moment-là, nous savions absolument que nous voulions que cela sonne plus Chet Baker et moins Arthur Baker. Donc, Matthew chanta dans un bon vieux micro RCA 77 ribbon, et nous avons rajouté pas mal de son sur la chanson par-dessus, tout en essayant de la garder autant posé que possible même si, vers la fin de la chanson, le son devient un peu plus riche. Il y a une partie avec une voix d’opéra plus tard dans la piste, donc nous avons essayé de faire attention avec ça, car c’est une zone dangereuse. »

D’un autre côté, une autre chanson, qui démarre de manière assez banale et de manière directe avant de démarrer en force, s’appelle ‘Ruled By Secrecy’, sur laquelle des notes aux sonorités basses de piano sont entrecoupées de notes plus hautes qui glissent sur la partie vocale. « De nombreuses fois nous avons en fait fait couper les parties où il joue la main droite et la main gauche et nous les avons traitées séparément, remarqua Costey. Le début de ‘Ruled by Secrecy’ était joué entièrement à l’aide d’un CP80, qui est un vieux piano électrique Yamaha, et alors qu’on jouait la partie avec la main gauche, nous l’avons doublée avec une partie jouée avec la main droite sur un vrai piano. Nous avons également pris le CP80 et l’avons revu avec quelques ampli de guitare seulement pour la main gauche, de façon à ce que la main gauche ait un meilleur son quand Matthew jouait ces notes. Ensuite, vers la fin de la chanson, au moment où il jouait les notes les plus prolongées de la main gauche, j’en ai profité pour également utilisé le vieux Echoplex. »

‘Time Is Running Out’ était probablement la chanson la plus difficile à achever pour le groupe et le producteur, surtout quand on voit que l’intro à demander pas mal d’expérimentations. « Nous avons essayé toutes sortes d’idées pour les percussions, dit Costey, incluant des personnes tapant dans leurs mains et frappant leurs genoux. À un moment Wally a même mixé le son que Dom et Chris ont créé en se grattant la tête afin de créer une piste agitée, et ça a marché de façon surprenante, mais au final nous ne l’avons pas utilisé. Éventuellement, nous en avons conclus que la basse constituerait la partie centrale de l’intro, donc nous devions trouver un son unique et caractéristique, même si je n’étais pas totalement convaincu par la ligne de basse que nous avions décidé de garder au départ. Nous avons passé une journée entière à essayer de trouver le meilleur son pour une intro de basse jamais crée de toute l’histoire de l’humanité, et vers la fin de cette journée, nous utilisions une basse guitare acoustique avec pleins de pédales et d’ampli différents. Alors que nous avions enfin trouvé un son que nous pensions, était plutôt assez bon, Matthew est entré, l’a écouté et a dit, ‘Fantastique, vous avez passé 8 heures sur une basse à bride?’ Il avait raison bien sûr, lui n’ayant pas passé des heures sur le sol, à jouer avec les pédales et les câbles. Nous n’avons rien gardé de tout cela. Malgré tout, il y avait toujours un bon donnant-donnant comme ça, et nous nous faisions assez confiance pour suivre nos propres idées. »

Comme la plupart des décisions au sujet des arrangements des chansons étaient prises lors de l’enregistrement, l’ensemble du modus operandi revient à partir dans une direction qui par la suite déterminerait la nature des ré-enregistrement et ensuite du mixage. Ceci, en retour, assure que la période de mixage soit relativement courte et simple, à peu près 3 semaines en tout.

« Le plus gros challenge sur Absolution était de s’assurer que l’ensemble soit cohérent, affirme Costey. Nous avons essayé tant d’idées différentes, and dans quelques chansons nous n’avons pas trouvé les bons arrangements avant qu’il ne soit temps de mixer. A partir de ce point, si tu n’es pas content de quelque chose il est trop tard pour revenir en arrière et le changer. Donc, durant la dernière semaine nous avons passé du temps pour être sûr que tous les détails étaient réglés, et que les chansons sonnaient bien les unes à la suite des autres et qu’on retrouvait le son du groupe. Avec un peu de chance, nous avons réussi. Au final, avec leurs réserve bien anglaise et mon enthousiasme américain exagéré, les gars étaient très excité à propos de cet enregistrement, et, bien sûr, je l’étais également.

Megan.

1 commentaire

  1. Article et traduction, énorme !
    Vraiment bravo, je bosse sur Pro Tools et cette trad’ est une véritable mine d’or, j’ai passé mon après-midi complet dessus …
    L’anecdote de la basse acoustique sur TIRO était hilarante !
    Tous les secrets (ou presque) du son d’Absolution sont dévoilés par ce cher Rich Costey … Très inspirant !

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